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Date : 22 octobre 2001 18:24:30 GMT+02:00
De : gc@deltalink.org
Objet : Notes de voyage 3 - Octobre 2001 - Mouni
À : info@deltalink.org
Ouahigouya, lundi 22 octobre 2001
Coucou, c'est moi,
Je vais essayer de reprendre le fil des événements, avec un peu de retard,
mais vous comprendrez qu'en déplacement j'avais déjà de la peine à répondre
aux messages purement professionnels, alors...
Nous étions encore à Ouahigouya, mardi dernier. Let's go!
---
Mardi matin, 16 octobre, c'est l'expédition à Mouni. Mahamady qui nous a
rejoint hier soir a bien sûr déjà trouvé une mobylette P50 à emprunter et
m'amène à 8 heures chez le directeur de la DPEBA. Il continue son chemin
pour vérifier la location de véhicule pour le lendemain.
Le directeur s'inquiète de mon bras, mais Françoise m'a serré le coude dans
une bande élastique et je le rassure. Abdoulaye (le promoteur du projet de
bibliothèque) monte à bord et départ! On repasse à l'hôtel prendre Françoise
et les livres: une valise bourrée, 25 kg pile.
C'est la première fois que Françoise se rend à Mouni. Pour moi c'est la 5e,
je crois, et comme c'est chaque fois à un autre moment de l'année, le
paysage est toujours différent! Cette fois, c'est le début des récoltes, ou
juste avant. Après la route en terre jusqu'à Bango, c'est la piste qui
s'enfile entre deux haies de mil ou de sorgho parfois hautes de 2 mètres.
Par endroit, il semble que la récolte est abondante et quelques centaines de
mètres plus loin, "il manque la dernière pluie" comme dit Abdoulaye, c'est à
dire que les épis ne viendront sûrement jamais à terme... On m'a déjà dit
que dans tout le Sahel c'est comme ça cette année: bonne récolte par
endroit, récolte insuffisante un peu plus loin.
La piste est assez facile, mais avec une seule main vraiment valide, ça fait
un peu exercice de musculation pour le bras droit!
À l'arrivée, comme d'habitude, une partie de la population est regroupée
sous les arbres, devant la fameuse bibliothèque. Les femmes, en pagnes
colorés, avec souvent un bébé dans le dos ou cramponné au sein, forment le
groupe le plus nombreux. Les hommes sont en face, assis ou en train de
discuter. Les enfants et les adolescents constituent le troisième groupe qui
nous entoure rapidement.
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Françoise et la responsable des femmes de Mouni.
Il n'y a pas besoin de
croiser bien longtemps le regard de cette femme pour deviner son
intelligence et sa volonté.
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Danse avec Françoise.
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À notre arrivée, les femmes se sont mises à chanter et à danser,
principalement en l'honneur de Françoise qu'elles voyaient pour la première
fois et qu'elles ont entraînée avec elles. La leçon de danse a bien duré 20
minutes et grâce à la magnifique collaboration d'une bonne vingtaine de
monitrices, on peut dire que la notion de mouvement est "en voie
d'acquisition", lente, mais avec un réel espoir de succès à condition que
l'élève travaille suffisamment... ;-)
Puis ce fut le tour des discours. Cette fois, c'est Françoise qui a parlé en
dernier, avant qu'on nous remette à chacun un coq blanc (cadeau important),
un sac à dos en cuir et un chapeau (tissu africain, forme occidentale).
Abdoulaye a reçu un coq gris. Tout le monde a finalement bénéficié de la
bénédiction de l'imam... qui me fait toujours irrésistiblement penser à "Mme
Pahut" du fantaisiste romand François Sylvant.

Les hommes.
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Les 3 coqs sur le pont de la Toyota.
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Une chose remarquable est que la bibliothèque (qui fonctionne sous
l'autorité du jeune et dynamique directeur de l'école) commence a engendrer
des demandes culturelles: les femmes ont demandé qu'on les soutienne dans un
projet d'alphabétisation en "mooré", la langue locale. Elles ont envie de
lire et d'écrire! Mieux encore, il semble que la réussite de la bibliothèque
est même en passe d'unifier les objectifs communautaires et contribue à
éviter ou à régler les conflits de clans. Dans un village dont l'école date
de 12 ans, qu'elle évolution fulgurante! Et du fait que la demande vient de
la base, les chances de succès sont vraiment grandes. On en reparlera.
On visite la bibliothèque et la valise est vidée de son précieux chargement.
L'armoire métallique commence à être un peu "juste"... tant mieux!
Françoise est ensuite accueillie dans les 3 classes (CP, CE, CM). Entretien
avec le maître et photo de classe.

L'unique armoire métallique de la bibliothèque.
À gauche, le directeur
de l'école, également enseignant des CM.
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Au retour, avec nos 3 coqs sur le pont, on a pris la seconde piste qui mène
à la route principale. Plus longue (10 km contre 5), plus sinueuse, mais
aussi plus belle et variée. Pour ceux qui me suivent depuis longtemps, c'est
la piste sur laquelle on avait crevé, avec la mobylette d'Abdoulaye, lors de
ma première visite à Mouni, en janvier 2000 (Message 12).
De retour un peu après midi, on a été manger au "Bafoudji" sans oublier de
mettre la volaille à l'ombre durant le repas!
Fin de journée pénard, préparation des bagages et arrangement financier pour
le véhicule de notre virée au Sahel...
---
Demain je commence le récit de notre expédition Sahélienne. À bientôt tous!
Avec nos amitiés,
Gilbert Cujean
Cellulaire: +226 / 82 58 79 (jusqu'au 4 novembre 2001)
--
... en VACANCES au Burkina faso. [:-3)=
Date : 24 octobre 2001 11:34:01 GMT+02:00
De : gc@deltalink.org
Objet : Notes de voyage 4 - Octobre 2001 - Djibo-Arbinda-Dori
À : info@deltalink.org
Ouahigouya, mardi 23 octobre 2001, terminé mercredi 24
Hello,
Je suis en train de m'apercevoir que c'est en vacances qu'on a le moins de
temps libre! Ceux qui en prennent souvent doivent le savoir, moi je
m'habitue tranquillement! Disons aussi que je dois répondre à 3 ou 4
messages professionnels chaque jour et qu'il y a toujours beaucoup de monde
qui vient nous voir quand on est à notre base: l'hôtel Colibri...
Mais reprenons la chronologie...
---
Mercredi 17 octobre [à Ouahigouya/ndlr], on se lève tôt. À 7h15 le chauffeur est là avec le
véhicule (un Toyota LandCruiser II, 7 places).
Passer à la banque —le distributeur automatique fonctionne à merveille—,
faire le plein, charger le carton de 12 bouteilles d'eau réservé la veille
au "MiniPrix du Nord"... et nous voilà parti!
Nous sommes 5 à bord:
- Amidou, le chauffeur, depuis 22 ans employé de la FNGN (Groupements Naam),
ancien chauffeur de Bernard Lédéa Ouédraogo.
- Mahamady, mon ami et (futur) partenaire de DeltaLink, avec qui j'ai déjà
fait la plupart de mes déplacements en juin dernier, qui nous sert de guide
et d'interprète (5 langues locales au moins), et qui a —théoriquement?— préparé
le voyage.
- Françoise et moi, et...
- la femme d'un enseignant en poste à Titao (50 km de Ouahigouya) et qui va
rejoindre son mari. Mahamady nous a averti de sa présence juste avant le
départ.
À l'entrée de Titao, un homme d'un certain âge nous fait signe, au bord de
la route. On s'arrête. C'est le président du Groupement Naam d'Arbinda, à
qui nous avons distribué du mil. Salutations et étonnement: Arbinda est à
150 km! Mais il y a une réunion des délégués des Groupements de la région et
il nous a fait signe croyant avoir affaire à des collègues à qui il devait
annoncer un changement de lieu! Méprise heureuse qui nous permet de l'aviser
de notre passage à Arbinda aujourd'hui, mais surtout dimanche, sur la route
du retour. Ils nous attendront...
Soixante kilomètres plus loin, à l'entrée de Djibo, une petite voiture à
plaque genevoise est arrêtée au bord de la route en quête de renseignements:
c'est Sylvie M[...], une enseignante qui fait une année sabbatique au
service de "La bataille du livre"! Cette opération réunissant nombre de pays
francophones sur 3 continents, consiste à faire lire à des élèves de CM les
mêmes livres d'auteurs contemporains et vivants, à échanger sur le sujet
grâce à Internet, à recevoir les auteurs dans les classes, et même dans
certains cas, à créer une certaine "collaboration" entre un auteur et des
élèves dans le but d'écrire un roman.
Bref, Sylvie qui réside à Ouahigouya a
fait la même route que nous avec quelques collègues, pour animer une
présentation dans une classe de Djibo. On se retrouve tous autour de
boissons fraîches. Il est environ 10 heures et la température dépasse
certainement déjà les 35°C. À Djibo, c'est jour de marché. il y a de
l'animation dans les rues.
On continue sur Arbinda. Depuis le matin, la route est assez bonne. Il y a
quelques nids de poule et par endroit il faut éviter les dégâts dû à la
saison des pluies qui vient de s'achever. On roule entre 50 et 80 km/h en
pointe, avec des ralentissements jusqu'au pas pour passer les trous ou ces
sortes de "ponts inversés" en béton que les pluies peuvent recouvrir en
quelques minutes, mais qui sont tous à sec actuellement. La route n'est pas
goudronnée et il y a de la tôle ondulée, mais on s'y fait vite: notre
véhicule est assez lourd et "haut sur pattes", et le chauffeur est prudent
et expérimenté. Par précaution, on plaque tout de même une main sur le
pare-brise à chaque croisement de véhicule, pour prévenir l'éclatement par
un caillou. Heureusement, la route est quasi déserte et sur les 200 km entre
Ouahigouya et Arbinda, on n'a guère croisé qu'une dizaine de véhicules!
À Arbinda, où je suis venu en juin sur un camion de ravitaillement, c'est le
calme complet. Au maquis où nous nous arrêtons (un des 2 bistrots du
village), il n'y a RIEN à boire! Authentique: on nous ouvre le réfrigérateur
à gaz, il est vide... mais en fonctionnement, ce qui permet d'y déposer 2 de
nos bouteilles d'eau minérales. Sur conseil du tenancier, on envoie tout de
même un enfant chercher des "Tonic" (sortes de "Schweps") chez "le
photographe" (sic)... et il revient avec 4 bouteilles fraîches de 65 cl. Ici
les choses arrivent comme ça, il n'y a pas de questions à se poser. On
navigue continuellement entre surréalisme et bon sens paysan ou entre manque
de tout et profusion de courte durée.
On a retrouvé notre boucher du mois de juin, sur la place du village. On se
choisit un morceau de mouton sur le grill qu'il nous découpe sur le champ
(voir photo 1) et emballe soigneusement dans un papier déchiré d'un sac de
ciment! Pour moi qui vient d'Éclépens, il n'y a pas de problème! ([Pour ceux qui ne le sauraient pas,] il y
a une cimenterie à Éclépens.)
On achète 2 miches de pain frais et on va
déguster le tout avec nos Tonic, sous la paillote du bistrot (c'est la seule
chose qu'il peuvent nous offrir... et c'est gratuit!).
À peine arrivés, nous avons été abordé par un jeune Français (22 ans?),
éducateur en formation, qui cherchait 4 places pour Dori (notre destination
du jour, à 110 km). Il est accompagné d'un "jeune en difficulté(s)" (15
ans?), du "grand frère" africain de ce dernier (18 ans?), sorte de
correspondant au sein d'une organisation d'éducation spécialisée nord-sud,
ainsi que d'un superviseur (africain, 20 ans?). Ensemble, il réalisent un
"défi", avec le jeune, consistant pour ce dernier à faire une longue
randonnée, avec peu d'argent, en utilisant les transports en communs... ou
ceux d'occasions comme nous!
Après le "dîner", nous allons sur la colline, au sud-ouest d'Arbinda, où il
y a des gravures rupestres. Sous la conduite d'un guide, et après avoir
traversé un superbe troupeau qui s'abreuvait, nous gravissons une sorte
d'immense caillou noir et lisse. Il y a là une source (sans eau!) ou le
prophète Mahomet aurait fait ses ablutions avant de prier dans la "mosquée"
située à quelques mètres: un cercle formé par des cailloux posés à même la
roche. Démonstration du guide.
Plus loin, on découvre effectivement des
traces de gravures, mais quand on n'est pas spécialiste, l'intérêt est tout
de même limité. Par contre, le paysage est absolument extraordinaire. On
surplombe le village d'Arbinda et ses collines où reposent de gros blocs de
rocher arrondis, en équilibre, comme des graviers collés sur une maquette de
train!

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Gravure rupestre (ancienne?) |
De retour au village, on déplace les bagages sur le toit et on embarque les
4 jeunes. On n'est donc 8 jusqu'à Dori.
On est arrivé à Dori vers 18 heures. Mahamady n'avait pas réservé de
chambres (!), mais il nous certifiait qu'il n'y aurait "pas de problème"...
Ce qui a été le cas, sauf que son idée était de nous faire loger à l'Oasis
et qu'après avoir vu l'établissement, nous y avons renoncé: cher (15'000 F
CFA la chambre avec une climatisation inutile à cette saison —les nuits
sont fraîches—), peu sympathique (dans des baraquements style chantier!),
et absolument sans ambiance.
On a trouvé des chambres ventilées, dont le seul défaut est d'avoir les WC à
l'extérieur (la douche est dedans), pour 4'300 F CFA/pièce, à "Sahel
Hébergement", un établissement sympa, avec de l'ombre, la télé dans la cour,
un bar avec de la bière, une cabine téléphonique, bref: le rêve. Les
chambres sont propres et équipées de moustiquaires aux fenêtres.
On mange au maquis voisin, je me connecte à Internet (oui!) et on passe une
bonne nuit, un peu crevé qu'on est après 300 km de route!
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À bientôt pour la suite.
Amicalement,
Gilbert Cujean
Cellulaire: +226 / 82 58 79 (jusqu'au 4 novembre 2001)
--
... en VACANCES au Burkina faso. [:-3)=
Date : 25 octobre 2001 16:13:54 GMT+02:00
De : gc@deltalink.org
Objet : Notes de voyage 5 - Octobre 2001 - Dori-Gorom Gorom
À : info@deltalink.org
Ouagadougou, jeudi 25 octobre 2001
Bonjour l'Europe,
Je ne prends pas de notes et vous raconte notre voyage avec maintenant une
semaine de retard —le syndrome vacances, je vous dis!—, alors les
souvenirs se décantent déjà un peu...
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Ci-dessus à gauche:
Mur enseigne de "Sahel Hébergement". Ce genre de dessin est assez
fréquent dans les établissements publics.
Ci-dessus à droite:
Petit-déjeuner: Françoise, Mahamady, le serveur et Amidou.
Ci-contre:
L'entrée de l'hôtel, avec les enseignes: publicité tabac, publicité
préservatifs, cuisine et réception... tout un programme!
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Jeudi 18, au petit-déjeuner, j'avise mes compagnons de route qu'hier soir
vers 23 heures, lors de ma connexion à Internet, j'ai reçu un message un peu
énigmatique de Frank Musy (animateur et producteur à la Radio Suisse
Romande), textuellement: "Petite suggestion en passant: Si le temps te le
permet à Dori, vas dire bonjour au Dr. Boubacar LI, du côté de l'APES. C'est
un type au top et tu ne regretteras pas la visite."
Je n'en sais absolument rien de plus, mais avouez qu'on ne laisse pas une
telle piste sans suite! Seul le chauffeur a entendu parler du Dr Ly
(orthographe correcte), mais ne peut (ou ne veut?) pas en dire plus. Même si
on n'est pas en avance sur l'horaire et qu'on risque de se prendre la grosse
chaleur sur la route, j'impose le détour.
Renseignement pris, on s'arrête à la réception d'une ONG, l'APESS
(Association pour la Promotion de l'Elevage au Sahel et dans la Savane). Le
Dr Ly réside dans la propriété d'en face. On me le passe au téléphone. "Ah
oui, Frank Musy de la Radio France Romande!..." Il veut bien nous recevoir
et on nous amène sur la terrasse d'une villa entourée de verdure.
Le Dr Ly nous fait asseoir (il y a Françoise, Mahamady et moi). Il est vêtu
tout en blanc, c'est un peul. On apprendra dans un instant qu'il est Dr
vétérinaire et a fait ses études à Toulouse. Voilà. Je lui explique la
raison de notre visite et lui demande en quoi consiste son activité.
L'entretien a duré presque 3 quarts d'heure. Le Dr Ly n'est pas un homme
ordinaire, il cumule avec une aisance incroyable des qualités scientifiques
et techniques, philosophiques et de communications. Il est le fondateur de
l'APESS (association de droit suisse!!), à travers laquelle il diffuse non
seulement des techniques d'élevage et de sélection, mais aussi un message
écologique et philosophique du plus grand intérêt. Je vais tenter de vous
faire un "digest" de ces idées, de mémoire, mais ça ne sera pas trop
compliqué dans la mesure où elles sont finalement très proches de mes
convictions. Accrochez-vous!
Les grandes notions fondamentales peuvent se résumer ainsi:
- Privilégier la qualité par rapport à la quantité.
- Privilégier l'instinct (dons innés) et l'intuition (intelligence
naturelle) par rapport aux cinq sens humains, dans la collecte des
informations devant amener à une décision. L'irrationnel mieux que le
rationnel!
De là découle tout une philosophie et... des techniques d'élevage du bétail.
On sélectionnera le bétail par rapport au caractère des bêtes plus qu'en
fonction des quantités de viande ou de lait qu'elles sont susceptibles de
produire (il paraît que ça s'apprend en quelques minutes!). Il y a
d'ailleurs une sorte de hiérarchie chez les animaux, en fonction de ces
critères irrationnels: le cheval vient en tête des plus positifs, le
dromadaire en fin de liste! Au Moyen-Âge, la culture arabe a envahi
l'Espagne à cheval; depuis l'utilisation massive du dromadaire, des plaies
violentes s'abattent sur cette civilisation. Même chose pour les
conquistadors à cheval en Amérique du sud [... quoi que là pour la non
violence on peut repasser!].
À propos du cheval, Boubacar Ly en connaît un
bout, il a même élevé des "Franches Montagnes" dans le Sahel! L'acclimatation a bien fonctionné, mais le renoncement au vaccin contre la
peste équine leur a malheureusement été fatal. À part ça, le cheval est bien
adapté au Sahel, ce que je ne croyais pas jusqu'à maintenant. L'APESS essaye
de propager l'idée des chevaux de trait (transports, labours, etc.).
Autre résultat de cette philosophie: nombre de différents sont évités du
fait de l'absence de courses stupides aux "plus" quantitatifs mesurables
(plus de lait, plus de pétrole, plus grand, plus rapide, plus haut, etc.).
La non violence est de mise dans le règlement des conflits. Il est en effet
rare que la guerre soit instinctive et intuitive! À ma question sur le
problème des Américains en Afghanistan, Boubacar Ly répond avec un
haussement d'épaules et sans animosité: "Les Américains sont un peuple sans
culture qui ne connaît que la violence comme seul moyen d'expression, depuis
toujours, à l'intérieur comme à l'extérieur de ses frontières! L'Amérique
est un pays qui ne m'intéresse pas et où je n'irai jamais." En fait, même
s'il y a des exceptions, c'est vrai, les USA sont en voie de développement
sur le plan culturel, mais leur agressivité les empêche d'évoluer.
S'agirait-il en fait d'un accident de l'Histoire? Souhaitons qu'il ne soit
pas mortel!
Je passe sur les notions symboliques des mouvements associés aux éléments,
et de toute manière il est impossible d'écrire spontanément après un
entretien comme celui-ci. Quel personnage! Quel communicateur! Son allure,
sa douceur et certains de ses propos faisait penser à Ghandi...
Nous quittons Dori avec un peu de retard, mais tellement bien dans la tête
que ça n'a pas d'importance.
Gorom Gorom est à 55 km au nord. La route n'est pas très bonne, et les
inondations de la saison des pluies ont laissé de sacrées traces. Il y a
même un endroit où on trouve des pirogues, déposées à même le sable, en
pleine savane! Il faut dire que durant l'"hivernage" (juin-septembre), l'eau
recouvre complètement d'immenses surfaces, rendant les routes inutilisables
sur plusieurs kilomètres. On transborde alors les gens par bateau...
"—Toi, c'est quoi ton métier?" "—Gondolier dans le Sahel!" ;-)
Mahamady n'ayant bien sûr pas réservé d'hébergement, on se précipite à la
Mission Catholique où on trouve 2 chambres à l'Accueil Abraham, une
dépendance fort sympa.

L'antre des Cujean
à l'Accueil Abraham, vue du couloir.
Un rideau remplace la porte. |

Au-dessus de notre moustiquaire, le plafond traditionnel. |
Le jeudi, c'est jour de marché à Gorom Gorom. La place du marché étant en
réfection, c'est tout autour que les stands se sont installés. On trouve de
tout et je n'ai jamais vu autant d'ethnies différentes se côtoyer. Je suis
bien sûr incapable de leur donner un nom à toutes, mais il y a des Touaregs
venus des portes du désert, des Bellas (esclaves traditionnels des
Touaregs), des éleveurs peuls, des Haoussas, et bien d'autres. On a mis les
plus beaux vêtements pour ce jour passé en ville! On nous explique même que
certains paysans venus de loin, à pied, de nuit, s'arrêtent aux abords de la
ville pour se laver et se vêtir de propre avant d'entrer au marché. Les
femmes ont mis leurs bijoux et quelques fois sont maquillées. Il y a une
ambiance et une foule extraordinaire...
On ne tarde pas à rencontrer "Pablo" (de son vrai nom Boureima Porgo). C'est
un "grand frère" de mon ami Karim Ganamé [et le fils ainé de feu Zender Porgo dont j'ai déjà parlé (Note 19, juin 2001)/ndlr]. Il a vécu quelques mois en Suisse,
il y a quelques années, pour un stage de formation à l'Hôpital de St-Loup. À
Gorom Gorom, c'est le responsable du laboratoire d'analyses de l'hôpital. Je
vous explique pas le labo: n'importe quel vigneron ou paysan de chez nous
est mieux équipé pour la chimie!
Le soir, Pablo nous invite à manger le tô et son voisin, infirmier à
l'hôpital, nous convie au thé (1er et 2e pour les initiés). Infirmier à
l'hôpital de Gorom Gorom où il y a qu'un seul médecin, c'est soigner,
panser, recoudre, éventuellement faire de petites interventions... et
n'appeler le toubib qu'en cas de nécessité. Ce dernier n'est d'ailleurs pas
chirurgiens et dès que ça se complique, on envoie le patient en ambulance à
Dori (55 km, une bonne heure de route). Les gens d'ici on une constitution
plutôt robuste et ça vaut mieux!
... et pour aujourd'hui, c'est fini.
---
Tout de bon et à la prochaine!
Gilbert Cujean
Cellulaire: +226 / 82 58 79 (jusqu'au 4 novembre 2001)
--
... en VACANCES au Burkina faso. [:-3)=
Date : 27 octobre 2001 21:46:29 GMT+02:00
De : gc@deltalink.org
Objet : Notes de voyage 6 - Octobre 2001 - Gorom Gorom-Markoye-Tambao-Zigbéri-retour
À : info@deltalink.org
Ouagadougou, samedi 27 octobre 2001
Bonjour, ça va?
Françoise est repartie hier soir pour la Suisse. Les vacances sont
terminées, il faut songer au boulot! Remarquez, ces derniers jours, je n'ai
pas cessé de répondre à des messages de partenaires ou de fournisseurs.
Bonnes nouvelles pour l'avenir de DeltaLink!
Mais, il y a une semaine, le voyage au Sahel continuait...
---
Ce vendredi 20 octobre [erreur, il s'agit du 19 octobre!/ndlr], le programme commence par Markoye. Cette ville est à
une quarantaine de kilomètres au nord-est de Gorom Gorom, à 15 km de la
frontière nigériane et à une trentaine de celle du Mali, ce qui en fait une
ville de trafics divers (tabac, médicaments, denrées diverses, etc.).
Mahamady connaît du monde car sa mère vit là... et de toute façon Mahamady
connaît des gens dans tout le pays!

Arrivée à Markoye: eau et verdure, on croit rêver!
|

Une chèvre avant la grillade.
Les bouchers dépècent la bête en
une sorte de "matelas" de quelques centimètres d'épais, près pour le feu.
Il
faut dire qu'ici, les animaux ne sont pas très dodus!
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On arrête le véhicule sur la place du marché et on s'enfile à pied dans une
ruelle tortueuses et au sol accidenté. 50 mètres plus loin on entre dans une
cour sans aucune indication particulière: c'est un bistrot! Il y a une
grande table sous l'ombrage bienvenu d'un gros arbre, il y a de la bière
fraîche, il y a des grands "Tonic" frais, il y a même (semble-t-il) le
téléphone!... incroyable!
Requinqués, on passe prendre une connaissance de Mahamady comme guide et on
fait une quinzaine de kilomètres vers le nord (direction Mali). Il y a là
une curiosité qui fut l'espoir du Burkina, mais qui est maintenant à
l'abandon: une mine de manganèse à ciel ouvert. Il s'agit en fait d'une
grande colline (un peu comme le Mauremont, derrière Éclépens!), dont la
roche noire contient le métal. Les cailloux sont effectivement très lourds!
Au fait, que fait-on avec le manganèse? Pourquoi n'est-il pas rentable
d'exploiter cette mine? Nous n'avons bien sûr pas le temps de mener une
enquête, mais si quelqu'un a une idée sur le sujet, je suis preneur!
Le paysage est surréaliste, comme tout lieu abandonné et d'autant plus
surréaliste qu'il a été abandonné rapidement. J'adore ce genre d'endroits où
rodent des fantômes d'un passé récent, compréhensibles sans avoir fait des
études d'archéologie!

On approche de la colline de manganèse.
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La mine est désaffectée.
Matériel à l'abandon dans un décors
fantastique.
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Près d'un ancien dépôt délabré, une borne placée par les
Maliens lors de la guerre frontalière contre le Burkina, il y a une vingtaine d'années.
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Ce qu'il reste du stock de carottes des géologues...
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On contourne un peu la colline, à pied. La chaleur est assez torride
(certainement plus de 40° sous abri, mais il n'y a pas d'abri!) et le sable
est brûlant. On découvre un dépôt partiellement en ruine. À 200 mètres de
là, quelques cases en nattes de paille forment le campement d'une famille de
Bellas. On est à 2 ou 3 kilomètres du premier point d'eau! Un homme
s'approche et vient nous saluer. Mahamady et le chauffeur échangent quelques
mots avec lui. Il retourne chez lui et revient avec une calebasse de lait
frais (?!?). L'accueil est extraordinaire si on pense qu'on est vraiment au
bout du monde! [Par précaution, Françoise et moi renonçons à boire, mais
c'est pas l'envie qui manque!]

On se dirige ensuite vers Zigbéri. C'est en revenant vers Markoye, quelques
kilomètres à l'ouest. Pour y arriver, la piste traverse d'immenses prés
d'herbe seiche, blond clair, superbe. Il y a juste une trace, on a
l'impression d'ouvrir la route.
Zigbéri est un campement de chasse, comme on l'appelle ici. Il s'agit d'une
sorte de motel, en pleine nature, formé d'une douzaine de chambres et
entouré d'un mur. C'est bien sympa, mais, alors que l'ouverture de la saison
était prévue pour le 15 octobre, on est en pleine réfection et tout est
retardé d'un mois... Ça fait pas notre affaire, mais c'est comme ça!
On décide de rentrer dormir à Gorom Gorom. Il fait quasi nuit quand on
arrive. Manque de pot, un raid d'avions de tourisme européens sur
l'aérodrome de Gorom Gorom a amené une quarantaine de personnes
supplémentaires, ce qui surcharge la capacité d'accueil de la ville. Juste
le jour où nous ne pouvons précisément pas dormir ailleurs!
Après discussion, et alors qu'on a pu réserver la dernière chambre de
l'Auberge Populaire pour Mahamady et Amidou, le père responsable de
l'hébergement nous ouvre la bibliothèque de la Mission catholique, où il
fait disposer deux matelas à même le sol. C'est au moins calme et comme on a
déjà réservé pour la nuit prochaine les mêmes chambres qu'hier, on sera plus
près pour déménager. Grâce au matériel de bricolage que j'emporte toujours
avec moi, la moustiquaire trouve rapidement sa place entre les armoires de
bouquins. La nuit fut douce à défaut d'être vraiment intellectuelle! ;-)

Coucher de soleil sur le Sahel.
On ne peut pas résister!
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Installation pour la nuit dans la bibliothèque
de la Mission
catholique!
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À la prochaine, amicalement,
Gilbert Cujean
Cellulaire: +226 / 82 58 79 (jusqu'au 4 novembre 2001)
--
... en séjour au Burkina faso. [:-3)=
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